Un sourire
En attendant le train qui me ramène vers mon nid, je suis plongée dans les dernières pages du roman de Marc Lévy : "vous revoir".
Je reste perplexe face à cet auteur : d'abord transportée par "et si c'était vrai", j'ai dévoré chacune de ses parutions dès leur sortie. J'ai fait la queue une heure aussi au salon du livre il y a deux ans pour lui glisser un mot et qu'il m'en glisse un sur "la prochaine fois". Fébrille, j'ai bafouillé. Je l'ai même un peu agressé. "quand est-ce que vous allez arrêter de me faire pleurer ?". Il m'a souri en me disant de ne pas m'inquiéter, qu'il écrirait moins mais que son prochain ouvrage sera, pensait-il, une belle surprise.
Effectivement. Je ne pensais pas que Arthur et Lauren revivraient sous sa plume. J'ai hésité. Prise par un snobisme redoutable, je n'ai pas voulu me précipiter lors de sa parution. Parfois, il m'a déçue. Parfois il m'a agacée même. Cette facilité d'écriture qu'il a, cette efficacité dans ses histoires me font tourner en bourrique. Ça semble facile et à la fois j'éprouve, moi qui écrit dans ce petit blog, un peu de jalousie, rêvant un jour d'être publiée. Surtout de raconter une histoire.
Une collègue de bureau m'a proposé de me prêter ce livre. Décidément, Marc Lévy me poursuit. C'est comme si lui aussi avait envie de me revoir. Ou moi de passer encore quelques temps avec lui, comme avec un homme que l'on a aimé jadis et que l'on se refuse d'approcher de nouveau.
J'ai eu le livre près de mon lit plusieurs jours. Puis je me suis enfin décidée à le commencer. J'étais émue de retrouver ces personnages, un peu perdue de les avoir délaissée pendant quelques années.
Mais au fur et à mesure, je me suis mise à l'évidence : ce livre m'envoute comme les autres, peut-être d'avantage. A quoi fait-il écho ?
Quand sur ce quai de gare de banlieue le train arrive, je coince un doigt entre deux pages pour regarder les portes s'ouvrir devant moi. Une jeune femme au teint hindou, grâcieuse et douce passe devant moi avec un livre qui m'est également familier : "où es-tu ?" Il m'avait beaucoup plu celui-là. Ces gens qui se croisent dans un aéroport durant toute leur vie, durant tout leur amour.
Je suis automatiquement la jeune femme. Et m'installe non loin d'elle. Elle retrouve une amie et ferme le livre, le serrant contre sa poitrine.
Je plonge de nouveau dans ma lecture. Je sens qu'il ne me reste peu de pages à partager avec Arthur et Lauren. A la fois désirant avancer plus vite dans ma lecture et freinant la cadence pour savourer ces dernières pages. La rupture sera difficile. Je déteste fermer un livre. Cela explique peut-être cette irrépressible besoin de les garder amoureusement dans ma bibliothèque, ne souhaitant pas les abandonner, les bons comme les mauvais, tous ceux qui m'ont procurée des émotions et que j'aurai, à l'avenir peut-être envie d'ouvrir de nouveau.
J'entends la jeune femme parler. Elle s'emballe. "J'ai adoré le premier, c'était une merveille". Je lève les yeux et lui offre un sourire complice qu'elle me rend, baissant les yeux sur ma lecture. Deux inconnues dans un train de banlieue ont partagé la même émotion, le même plaisir.
Un arc-en-ciel dans cette journée gris pâle.
Il ne me reste que quelques pages à lire. Je les ai gardée pour qu'elles m'emènent ce soir dans les bras de Morphée. J'appréhende cette petite mort qui m'attend.
Mais en ouvrant la boîte aux lettres, un merveilleux cadeau m'attendait. Une pièce de théâtre en anglais, imprimée et reliée par quelques agraphes. Un titre et un nom sur la première page. Je suis émue. A. a réalisé son rêve. Et m'a fait un merveilleux cadeau.
Merci chers auteurs.