Ca ne me fait pas rire
C'est malheureux à dire, mais ceux qui me font plus rire sont les comiques morts. Ou en tout cas sourire, parce que c'est rare que je m'esclaffe devant ma télé ou en écoutant la radio en écoutant un sketch (beurk, qu'il est moche ce mot). Si, quand je rigole, c'est sur des trucs débiles en général. La dernière fois que ça m'est arrivé, c'était des blagues de Lafesse. La honte. Un fou rire durant tout le temps de la diffusion. Et mon homme à côté de moi, interdit. A la fin, quand j'ai arrêté de pleurer de rire, j'ai enfin osé affronté son regard : visiblement, lui, il n'est pas amateur de Lafesse (pour tout vous dire, je ne savais pas que je l'étais moi-même). Moment de solitude. M'en fous, c'était bien. La Minute Blonde aussi me fait souvent sourire. Mais cela reste uniquement de l'ordre du sourire. Et c'est loin d'être systématique. Les comiques, limite ils m'ennuient dans l'ensemble. J'étais allé voir le spectacle de Palmade et Laroche au Zénith : j'ai dû être la seule à ne pas avoir ri. La radio Rire & Chanson me plaît uniquement quand ils passent de la musique. Les Dany Boon, Les Elie Sémoun, les Djamel, Les Robin des Bois, etc me laissent indifférente. C'est nul, les comiques me rendent triste aujourd'hui.
Et puis il y en a certains qui me procurent une angoisse ces derniers jours. Deux coup sur coup. Des bons, des artistes, des poètes. Le "vieux", Raymond Devos. Celui qui devait mourir depuis longtemps ; enfin c'est bizarre, mais je l'ai toujours sentie entre deux, lui, un peu avec nous, un peu déjà parti. Ca y est, c'est fait. Il ne nous restera plus que des rediffusions de ses paroles, de ses textes sur lesquels il faut s'accrocher pour en comprendre toute la subtilité, dans lesquels les mots font des pirouettes et retrouvent toute la souplesse que nous n'utilisons que très rarement. Le "jeune", Coluche. Il est mort il y a vingt ans, certes, mais l'annonce de cet anniversaire morbide m'a fait comme un choc encore ce matin. Il ne reviendra plus. Mon enfance est morte une deuxième fois. Oui parce que Coluche, c'est celui qui me faisait rire quand j'étais enfant. Sa salopette, son nez rouge m'ont appris à avoir l'esprit critique, m'ont appris la liberté d'expression, m'ont appris une certaine conscience politique. Il m'a appris aussi, alors que je n'avais que onze ans qu'il n'y pas que les vieux et les cons qui partent, qu'il n'y a pas de justice. Ma mère m'a appris aussi qu'on pouvait être triste de voir partir quelqu'un qui géographiquement ou familièrement est éloigné. On a le droit. Des êtres sont chers même si on ne les connaît pas.