Le bilan des trois mois

J'avais envie de m'isoler ce midi. Partie dans ma lancée du bon petit soldat que je suis, je décide de déjeuner en travaillant. Je quitte les locaux de l'Usine à Gaz quelques minutes le temps de me restaurer. Un chinois me fait de l'oeil : je vais manger une délicieuse salade aux crevettes. J'adore le croquant du soja et cette sauce sucrée. Un régal.
Gédéon et les autres ne semblent pas vouloir respecter ce moment que j'ai envie de m'offrir. Je renonce. Je continue donc ma salade et attrape le combiné du téléphone.

J'appelle d'abord la Vieille Branche. Je suis tellement heureuse qu'elle aille bien (ça s'entend au son de sa voix), j'entends son bébé gazouiller derrière. On raccroche vite : Arthur doit manger sa purée de carottes et les grands-parents sont là. Ça ressemble au bonheur. Je suis heureuse pour elle.

Dans ma lancée, j'appelle Michèle. Ça fait des lustres que je n'ai pas pris le temps de prendre de ses nouvelles. Je l'ai laissée alors qu'elle était partie voir les vaches Salers. Là, elle fait la fière (qu'est-ce qu'elle peut être têtue celle-là !) mais je sens qu'elle doit passer ses journées à ruminer. Le fait de l'appeler lui illumine un peu sa journée. J'entends un sourire franc se profiler sur son visage à travers le combiné.
Elle me demande des nouvelles des uns et des autres. Je reste vague. Je sens qu'elle veut entrer dans une polémique vers laquelle je n'ai absolument pas envie de me diriger. Elle fait le tour des uns puis des autres. Quand tout à coup, elle me demande des nouvelles de Manitoucool. Je me redresse.
- "toujours aussi speed ?
- ...
- oui parce qu'il est speed comme garçon, non ?
- je ne trouve pas.
- oui, enfin, c'est vraiment quelqu'un de sensible, de doux sous ses airs de grand garçon.
je souris (ça ne doit pas se voir à travers le téléphone)
- ça se passe bien le relationnel avec lui ? pas trop dur comme chef ?
Là, mon sourire est bien franc. Je garde le contrôle. Je commence à savoir faire !
- euh oui, on s'entend bien, je crois.
- et bien c'est chouette. Je suis vraiment contente pour toi que ce travail te plaise. Tu as l'air heureuse.
- je le suis."
Elle enchaîne sur d'autres sujets. Il va falloir que je la bouscule pour la sortir de sa grotte. Mais je suis sûre que l'on sera contente de se voir.

J'ai du mal à en placer une, du coup. A force d'être le plus neutre possible, elle prend cette conversation pour un monologue !

Ma salade de crevettes est terminée. Je voudrais me défaire de ce combiné téléphonique.
- "euh, écoute Michèle, il faut que je te laisse, parce que je vais finir par me faire gauler. Il faut que je travaille.
- bien sûr Miss, ça m'a fait super plaisir !
- moi aussi ! à très bientôt."

A peine le téléphone raccroché, je prends mon badge, cet ignoble pâtisserie au soja, à la banane et aux produits chimiques et vais me faire un thé tranquillement, accompagné de Manitoucool et des autres. Je confirme, je suis vraiment bien à l'Usine à gaz.

Comments

[wonderwomette]

Alors vive l'usine à gaz qui rend MissLine si heureuse !