Un pas en avant
Ce soir, j'avais un repas familial. C'est à marquer d'une pierre blanche, parce que la famille, c'est une notion qui m'échappe, ce sont des personnes à a fois proche, logiquement mais terriblement lointaines.
Je n'aime pas être en famille. Le fumier ressort toujours à un moment ou à un autre. Et puis, il y a toujours des jugements, me concernant -ce choix de m'exclure- et concernant les absents, un grand classique..
Mon oncle et ma tante étaient de passage à Paris. Je pouvais très bien m'esquiver comme une anguille et les éviter. C'est ce que j'aurais fait il y a quelques temps encore.
Par ailleurs, la situation familiale étant en pleine implosion, le temps était davantage tourné vers l'auto-protection que l'affrontement des basses railleries.
Et bien non, j'ai décidé de les voir. Je les ai appelé pour les voir. J'en avais envie. D'abord, parce que mon oncle s'est battu contre a mort il y a deux mois de ça, et pour la première fois, j'ai eu peur pour lui. J'ai imaginé ce combat, cette détresse, cette peur. Et j'admire la force qu'il a de récupération après chaque opération. 18 en tout. Rien que pour ça, il impose le respect.
Et puis sa femme, ma tante, est une personne complexe. Dans un univers qui lui est propre, elle est capable du pire comme du meilleur. Elle a su, discrêtement, subtilement, et généreusement me donner le meilleur ces derniers temps.
J'avais envie de leur dire que j'étais là. Simplement. Que Miss Line est à différencier de ses parents, de ses frères et soeurs, de l'image qu'on a bien voulu, hâtivement, lui coller.
La soirée était calme et douce. Mon oncle, par deux fois, m'a prumulgué son credo de vie : tout passe, tout roule et rien ne l'atteint, seule la vie compte et chaque jour est du plaisir. Il ne veut pas faire de vagues, ne s'embrouiller avec personne. Et même ce grand-oncle misogyne, raciste et homophobe, il me dit ne même plus l'écouter, que ses propos ne l'atteigne pas. J'ai écouté, et réfléchi. Pourquoi moi, je m'emporte toujours, je ne laisse passer aucun propos qui me heurte et fonce dans le lard, s'il le faut. Qui a raison, lui ou moi ?
Nous nous sommes parlés, nous nous sommes écoutés. Les avis parfois divergeaient, les points de vues. Il y a eu parfois des regards croisés, des silences pour ne pas froisser. Non, nous n'avons pas le même point de vue sur beaucoup de sujets, non, nous n'avons pas les mêmes centres d'intérêts ni la même vie. Mais nous nous sommes, ce soir, respectés.
Je suis contente de cette soirée. Pour la première fois, à ces gens-là, je leur ai montré la vraie Miss Line, adulte et autonome. Je me suis entendu parler librement, et sans colère. En les quittant, je leur ai même dit spontanément que j'étais très contente de les avoir vu, d'avoir passé ce moment avec eux. Je sais qu'ils m'ont entendu. Le "merci" que j'ai reçu était vrai, sincère.
Les méandres familiaux seront toujours là, les secrêts, les blessures, les haines même, mais ce soir, j'ai vécu cette rencontre avec plus de sérénité. Et j'en suis heureuse.