D'ordinaire, dans le métro, Nicolas
Je fais partie de cette France qui se lève tôt. De celle qui prend mécaniquement chaque matin le métro bondé en attendant le week-end. Ce matin devait être un matin comme les autres. J'ai pu m'asseoir avec le journal gratuit entre les mains. Un petit morceau de satisfaction. Ca ne se joue pas à grand chose, décidément. Et puis, j'ai remarqué une femme qui tentait de se glisser entre les gens, de trouver sa place et qui s'excusait un peu trop par rapport aux autres qui, comme moi, se lèvent tôt pour rejoindre mécaniquement leur boulot. Elle avait du mal. Se fut visiblement un calvaire de faire cette démarche, mais elle a pris la parole, s'arrêtant ponctuellement lorsque le bruit des rames ne voulait pas l'entendre. Elle a demandé un peu d'argent pour payer une chambre d'hôtel qu'elle a trouvé pour la journée, y laissant son enfant de 7 ans. Elle a raconté son parcours de galères : la perte brutale de son emploi parce qu'elle a décidé de donner de nouveau la vie, son homme qui est parti avec tout l'argent, la difficulté de subir ce tourbillon infernal. Elle semblait fatiguée, prête à lâcher la vie qui est en train de l'abandonner. J'étais assise dans le métro et n'arrivais plus à lire le journal gratuit qui énumère tout et n'importe quoi. Elle a tendu la main pour obtenir vingt euros avant neuf heures quarante cinq, heure à laquelle le marchand de rêves mettra son petit garçon à la porte. J'ai donné quelques pièces. Je t'ai regardé à la télé hier soir Nicolas. J'ai vu ton assurance à trouver des solutions pour tout, à vouloir dynamiser des français, à vouloir les faire produire et produire encore. Tu es loin de notre réalité, Nicolas. Tu es loin du métro bondé. Loin aussi de cette jolie jeune fille de 26 ans, Nadia, qui se retrouve du jour au lendemain au bord du gouffre et ne se retrouve qu'à compter sur notre bon cœur, comme on dit, après une première nuit dans la rue. Nous qui prenons chaque jour le métro pour faire partie de cette France qui se lève tôt, nous sommes confrontés à ça, à cette détresse, à ces parcours qui ne sont pas comme le tiens, Nicolas, emplis de succès. Et face à cela, nous ne pouvons que nous en protéger ou être un peu solidaire. C'est loin de ta France, Nicolas, ne l'oublie pas.