Moi, j'irai pas me battre pour mon drapeau
Monsieur le Président, je vous fais cette lettre Que vous lirez peut-être Si vous avez le temps …
Mes parents m'ont fait découvrir cette chanson, adolescente. J'avais lu L'écume des Jours, je découvrais que des auteurs, romanciers, poètes, pouvaient être engagés et faire s'éveiller des conscience. La mienne était à son printemps, cette chanson, que je me passais en boucle grâce au vieux 45 tours que mon père ou ma mère avait eux même acheté à une époque que l'on appelle l'âge ingrat, celui de la rebellion. Je suis restée aujourd'hui interdite devant ces personnes que je croise au regard de la petite lucarne télévisuelle. Ces Israëliens, ces Pakistanais, ces Colombiens, toutes ces vies, prêtes à être sacrifiées pour une idéologie, un drapeau. Ca doit faire mal, de perdre la vie. De savoir son fils sur le front et de ne pas avoir de nouvelles. D'être blessé, amputé et que ça devienne banal. Hier aux infos, je voyais un soldat israëlien critiquant du bout des lèvres cette guerre absurde (pléonasme) provoquée sous le prétexte de deux soldats enlevés qui a fait au moins 1600 morts : des soldats, des civils, des enfants.. il avait une main déformée, sanguinolante, bleue malgré le bandage qui tentait maladroitement d'effacer cette blessure. Il avait le regard perdu surtout, d'avoir vécu cette absurdité. Il avait perdu la foi, visiblement. La guerre, se battre pour son drapeau. Il avait enfin compris en quoi cela consistait. Et puis, en fin de journée, après une grande journée à ne rien faire, on a mis un film au hasard. Un film américain, cela était si évident dès les premières images. Anapolis. Titre qui reste un mystère tellement il me paraît vide de sens (ou alors une notion m'a échappée). Un jeune homme blanc, sain et musclé rêve d'intégrer l'école de la Navy. Considéré comme inculte, il se bat pour obtenir les lauriers de la gloire en mémoire de sa mère à qui il aurait fait la promesse de cette ascension sociale. Et oui, en 2006, malgré le Vietnam, malgré les guerres du Golfe, malgré Bush I & II, l'American Dream se dessine encore sous les mêmes traits. Ce film n'était pas destiné pour moi, pauvre petite française avec mes doutes patriotiques. Il était fait pour ces jeunes Ricains qui se raccrochent à leur drapeau absurde tels des culs-de-jatte à leur canne. Ou suis-je si pleine d'égoïsme pour ne pas ressentir l'envie de défendre mon drapeau, voire de l'honorer ? Mais qui a tord, qui a raison ? Au bout du compte, je n'en sais rien ; j'ai juste cette chanson depuis toujours dans ma tête lorsque ce problème se soulève (heureusement, c'est juste une question de conscience, je ne suis pas mise devant le fait accompli, et je l'apprécie) : … Si vous me poursuivez
Prévenez vos gendarmes
Que je n'aurai pas d'armes
Et qu'ils pourront tirer